C'est une très longue histoire...
A la suite de transactions successives, datées des 25 mai
1584, 5 janvier 1598, 18 juin 1598, relatives à des
procès devant la cour du parlement, pour des différents
entre les seigneurs de Montpezat d'une part et particuliers et
communauté du même lieu d'autre part, concernant le
règlement de taxes, redevances et droits divers, une nouvelle
transaction, datée du 15 Août 1598, est établie
entre Gaspard et François de Vintimille, alors seigneurs de
Montpezat, et, Guilhem Foucou, baille et Honoré Jean Foucou et
Guilhem Nostolat, consuls modernes.
"Et tous les manants et habitants de Montpezat concilièrement
assemblés sur la place publique", par devant Me Louis Foucou
notaire royal .
Cette transaction stipule que : moyennant l'exemption d'un cens,
d'une taxe, de la diminution d'une autre, la suspension d'autres
droits seigneuriaux très modiques, auxquels les habitants sont
soumis à leur acquitter, les Vintimille demandent en contre
partie que la communauté et habitants "cèdent et
remettent aux dits seigneurs pour eux, leurs héritiers et
successeurs, ce que leurs prédécesseurs avaient
baillé à la communauté", c'est à dire :
1 - Le four à cuire le pain,
2 - Le moulin à moudre le blé, un jardin et terres
joignantes depuis la rivière, pour une contenance et
étendue de 12 charges de semence de blé sans y
comprendre la contenance du jardin qui sera borné et
limité par des experts.
Le moulin et les terres attenantes appartenant à la
communauté vont au-delà de la rivière du Verdon,
joignant le devant d'un coté, et de l'autre de l'île de
la rivière. "Ainsi les dits syndicts et particuliers ont
quitté, cédé, remis et transporté aux
seigneurs tous droits et appartenance des four, moulin, jardin et
terres attenantes, par touchement des mains à la
manière accoutumée" .
De ce fait :
- "Les manants et habitants et autres tenants et possédant
biens, seront tenus d'aller faire cuire leur pain dans ce four et
dans nul autre ailleurs et payer aux seigneurs le droit de fournage,
à raison du trentain, (soit tous les trente pains cuits par
l'habitant, l'équivalent d'un pain est donné en
paiement au seigneur)".
- "Ils devront fournir le bois qui sera nécessaire pour
chauffer le four et cuire le pain, sans qu'il soit possible aux
habitants ni autres forains possédant bien à Montpezat,
de faire bâtir ni construire aucun four".
- "Le seigneur promet de le maintenir et l'entretenir en son bon
état, et y pourvoir un fournier ou une fournière
suffisant et capable ; il sera permis aux particuliers du lieu,
après avoir cuit leur pain, de prendre la braise et
cendres".
- "Ils seront tenus d'aller moudre tous et chacun, leurs grains au
moulin du seigneur et non ailleurs sous peine de confiscation de
leurs grains et de payer pour le droit de molture, "le trentain", le
moulin sera entretenu en bon état, afin que les habitants
puissent commodément moudre leurs grains, la communauté
sera quitte et déchargée de censine annuelle qu'elle
faisait en blé".
Le four à cuire le pain était situé dans la
maison ou résident aujourd'hui Christiane et Armel Aïta,
maison mitoyenne à la mairie.
Le moulin à moudre le blé, était situé
près du domaine de St-Saturnin, au-dessus de la bâtisse,
qui borde la route, propriété appartenant aujourd'hui
à Arnaud Ambroise. Le jardin et les terres, étaient eux
situés au-dessous de la bâtisse, allant jusqu'au Verdon
et au-delà.
Les habitants de Montpezat vont, tout au long des années et
des siècles à venir, se sentir spoliés et
remettront en cause cette transaction, estimant avoir
été dépouillés, de leurs four, moulin,
jardin et terres.
Tout sera prétexte à procédure, ainsi, le 9
décembre 1687, la communauté de Montpezat remet en
cause, les surfaces des jardins et terres joignantes
prétextant que lors de la précédente transaction
l'accord avait été verbal sans aucun mesurage et
bornage des limites.
La communauté représentée par Louis Foucou
consul et député par elle d'une part, et Honoré
Piston, bourgeois de Quinson, intervenant pour le compte du seigneur
d'autre part, sont assemblés par devant Maitre Vassal, notaire
d'Esparron.
Deux experts sont nommés : Minjaud bourgeois de Riez et
André Fouque de la ville d'Aix, et l'arpenteur de Riez,
François Grenon.
Le mesurage et le bornage durent plusieurs jours, voire plusieurs
semaines.
La transaction est enfin signée le 24 décembre avant
midi :
entre : Joseph François de Vintimille, Honoré Piston
son représentant,
et : Louis Foucou représentant la commune, Joseph Auguier,
devant : Louis Reynier, notaire royal de Régusse et
François Grenon arpenteur à Riez.
Il faut dire qu'entre temps :
Le 7 septembre 1715, Jean Simon d'Abran, seigneur de Seilland et
nouveau seigneur de Montpezat se pourvoi devant la cour du parlement
du pays, contre les consuls et la communauté de Montpezat pour
les faire condamner à la contribution de la réparation
de la forteresse, château et fossés.
Déjà condamnée par arrêt contradictoire du
12 juin 1584, la communauté trouve les sommes
réclamées trop élevées.
Suite aux assemblées des conseils des 8 mai 1712 et 3
septembre 1713, la communauté délibère,
qu'attendu la surcharge des droits seigneuriaux, demande à
Monsieur de Montpezat, d'abandonner les dits droits , soit en total,
soit en partie, moyennant une pension féodale.
Le 22 juillet 1714, nouvelle délibération, la
communauté demande purement et simplement l'abandon des droits
seigneuriaux !
Le 28 octobre 1714, la communauté et le seigneur conviennent
en présence de Maître Charles Bouche, avocat à la
cour, résidant à Allemagne et Pierre Courbon, notaire
royal de Roumoules, d'arbitrer et régler toutes les
réparations de la forteresse.
Les droits seigneuriaux, consistent à ce que chaque
habitant possédant biens, paie pour chaque paire de bœufs,
annuellement, au jour de la St Michel, arrérages au seigneur :
six panaux de grains, moitié blé, moitié
orge.
Les autres habitants possédant biens, n'ayant point de bœufs
paie la moitié.
Chaque trentenier arrérage paie 30 sols. Le tout porté
et rendu au château.
Après discutions, ces droits seigneuriaux sont convertis en
une pension féodale de 195 livres. Etant donné la
pauvreté des habitants, elle est négociée
à 150 livres annuelle, à payer par la
communauté. D'Abran voulant donner les moyens de payer la
pension, demande le partage d'une partie de terre appartenant
à la commune, située au delà du Verdon
après le pont Sylvestre.
"La communauté, transige, convient et accorde de payer au
seigneur une pension de 150 livres annuelle et perpétuelle, le
jour de la fête de Noël, le premier payement se fera le 25
décembre 1716 ; argent porté et rendu au château
sous peine d'intérêt et dépend".
Les seigneurs se succèdent, après d'Abran viennent
les Blacas, puis arrivent les Ainésy. Les problèmes
subsistent, les charges, les impôts, les taxes, pensions et
droits féodaux, augmentent et s'accumulent, les habitants de
Montpezat, déjà très pauvres sont de plus en
plus mécontents.
1789, la révolution passe, naît alors l'espoir ,
l'espérance de jours meilleurs , il n'y a plus de seigneurs,
il n'y a que des citoyens !!!!
La communauté propose à Ainésy de
négocier à l'amiable le différent les opposant,
cette proposition reste sans réponse. Début 1791, la
communauté propose à Ainésy de décider
par voie d'arbitrage.
Après moult mémoires présentés par la
communauté, le 21 octobre 1792, les administrateurs du
directoire du district de Digne, concluent que les droits de la
communauté devraient être rétablis,
d'après le titre dont elle possède, et les nouvelles
dispositions des lois intervenues depuis le mois d'août
dernier. La communauté est en droit de se pourvoir devant les
tribunaux compétents pour se défendre.
Le 22 décembre 1792, le même directoire,
considérant, qu'Ainésy prétend avoir les preuves
de fonds de la possession, demande à la communauté de
rester dans un état passif, jusqu'à ce que les preuves
soient établies.
Le 19 octobre 1793, la communauté expose de nouveau les faits
et les effets des transactions du 15 août 1598, et du 7
septembre 1715 devant le tribunal du district de Digne.
Celui-ci juge que ces actes avaient été dictés
par l'effet de la puissance féodale et qu'ils ne peuvent
légitimer la possession des ex seigneurs.
Qu' indépendamment de ces considérations, les
aliénations ainsi faites à la commune, sont
viciées de nullités :
- soit parce qu'elles renferment, une lésion importante aux
bénéfices des habitants.
- soit parce qu'elles n'avaient été revêtues
d'aucunes des formalités requises, ce qui autorise
d'après les lois de se faire rétablir dans la
possession dont elle avait été privée.
D'Ainésy de son coté fournit un mémoire dans
lequel il expose les faits, est surpris de ces assignations, dit
qu'il ne les a pas reçues parce qu'il ne réside pas de
façon permanente à Montpezat, critique le comportement
de la communauté, qui a profité de son
incarcération à la prison de Draguignan pour
l'assigner.
Quatre arbitres sont nommés par le juge de paix du canton de
Quinson, deux pour représenter Ainésy, deux pour
représenter la communauté.
Le 22 floréal an II, jugement arbitral devant Sixte Bausset
notaire public de Quinson, Laurens Ainoun notaire, Jacques Chaspoul
de Montagnac, Marc Antoine Pascal tous arbitres nommés et
Sappe, Agent national représentant la communauté,
assemblés pour effet de décider les contestations
élevées entre la communauté et
Ainésy.
Répondant au mémoire d'Ainésy, l'agent national
observe que ce dernier donne aux transactions de 1598 et1715, la
tournure qu'il lui plait, pour se soustraire à la restitution,
estimant que les transactions passées par ses
prédécesseurs sont des actes d'achat. Il se trompe, vu
l'article 8 de la loi du 28 août 1792, qui porte
expressément, que les communes qui justifieront avoir
anciennement possédé des biens, pourront se faire
réintégrer dans la propriété nonobstant,
tous édits, déclarations, arrêts du conseil,
lettres patentes, jugements, transactions, à moins que le
seigneur présente un acte authentique d'achat.
Il ne faut voir dans ces actes, que de la tyrannie la plus formelle de
haine féodaliste et des usurpations criminelles faites contre
les hommes simples qu'on cherche à aliéner et à
détruire.
Ce temps n'est plus ; aussi chaque commune va jouir paisiblement
de ses divits.
Le ton est sévère, les paroles sont encourageantes,
mais elles restent des paroles !!!
Le 21prairial an II, notification du jugement du 22 floréal,
les arbitres sont priés de se trouver le 23 messidor prochain
à 9 heures du matin dans la maison commune de Montpezat pour la
mise en coformité avec la loi.
22 fructidor an III, ce jugement fut signé et homologué
par le tribunal, le 1er brumaire an III et par exploit du 29 frimaire
an III.
Ainésy ne s'en laisse pas conter pour autant, il
résiste et fait appel de ce jugement le 22 nivôse an III.
Il est vrai que l'article 21 de la session cinquième du
décret du 10 juin 1793 stipule que la sentence arbitrale sera
exécutée sans appel, mais il est dit aussi, par
décret de germinal an II, que dans les 3 mois à compter
de la publication, il est possible de se pourvoir par la voie d'appel
en cassation.
Ce n'est que le 2 juin 1817 que la cour de cassation, porte cassation
du jugement arbitral du 22 fructidor an II, rendu entre Ainésy
et les habitants de Montpezat.
Arrêt rendu par défaut contre les habitants de la
commune.
En conclusion, en deux transactions espacées de 117 ans
l'une de l'autre, la commune se voit désemparée du four
à cuire le pain, du moulin à moudre le blé, d'un
jardinet, des terres, puis de nouveau, d'un déffand , espace
de terre non cultivable situé au delà du Verdon entre
Cadenon et Garragai.
Comme aujourd'hui la loi du plus fort est toujours la
meilleure.
Il faut savoir qu'avant la révolution à Montpezat,
même le roi n'y possède aucun droit de justice. Seul le
seigneur possède et fait exercer en son nom, la haute, moyenne
et basse justice.
On est jamais si bien servi que par soit même.
La communauté ne possède que la police ordinaire,
exercée par ses officiers municipaux. "réf. : acte 26
janv. 1729".
C'est ainsi que se termine cette longue histoire.
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